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Revue de Jeu : Paths Of Glory

Catégorie : Jeu de guerre et stratégique

Concepteur : Ted Raicer
Artiste : Rodger B. MacGowan & Mark Simonitch
Année : 1999
Pour : 2 joueurs (14+ ans)
Durée : 480 minutes
 

1. Thème
La première guerre mondiale, thème peu courant même dans le monde du Wargame. Le jeu couvre l’intégralité de la période en Europe et une partie du moyen orient sur une vaste carte où la guerre se dirige au niveau stratégique. Il propose donc à chacun des joueurs d’incarner le camp de la triple-alliance ou de la triple-entente et de rejouer l’histoire de cette guerre.

2.Version
Je dispose d'une édition  internationale de GMT Games imprimée en 2004 (quatrième mise à jour officielle des règles du jeu).
 
3. Matériel
Il s’agit bien d’un jeu de guerre à grande échelle, il ne fallait donc pas s’attendre à des pions sculptés dans l’ébène et le marbre mais bien à du traditionnel petit carré en carton par centaines (5/8 et 1/2 inch) pour représenter des troupes (à l’échelle d’armée et de corps d’armée). La boite contient aussi une série de pions compteurs et indicateurs en… traditionnel petit carré en carton pour compléter le tout. Du fait du nombre, la mise en place n’est pas instantanée mais pas laborieuse non plus si on a su bien trier ses petits pions au préalable (et donc le rangement n’est pas instantané non plus). 
Tout ce petit monde va s’agiter sur une grande carte couleur en papier glacé (22x34 inch standard) qui parait bien fragile. La mise à plat de la carte n’est pas aisée car le papier a tendance à conserver du volume au niveau des pliures et ce n’est pas très stable pour poser les pions dessus. L’équivalent en carton rigide n’aurait pas été du luxe et on ne vivrait pas dans la peur de l’usure ou de la déchirure ! D’ailleurs GMT vend une carte de meilleure facture mais… C’est en plus du jeu et c’est un peu abusé...
Ajouter à cela 110 cartes à jouer de qualité honnête (carton plastifié), joliment mais sobrement illustrées avec des photos d'époques (pour l'ambiance) fournies avec un petit élastique pour les garder ensemble.  La boite elle même ne fournit pas d’autre rangement que de petits sachets en plastique, ce qui est décent vu ce qu’il y a à ranger. 
Au final, le stockage de petits pions en cartons avec une carte en papier, deux dés six de 5mm, 2 aides de jeu cartonnées et 110 cartes à jouer, fait que c’est le bouquin de règles de 30 pages qui pèse le plus lourd dans cette boite qui reste finalement assez vide.

La boite
4. Esthétique
C’est du wargame et l’accent est mis sur la clarté et la fonctionnalité beaucoup plus que l’aspect pictural. De ce point de vue, c’est une réussite.
La carte est large, assez chargée mais très claire. Cependant, si vous avez des notions de géographie ça aide quand même !
Les pions sont petits mais bien distinguables entre eux et les informations écrites dessus sont denses mais claires, précises et sans confusion. Les couleurs sont neutres, rien n’est flashy et rien n’attire spécialement le regard.
Bref, tout est fait pour satisfaire les yeux d’un stratège cartésien beaucoup plus que ceux d’un impressionniste en quête de sensations créatrices. Et c’est bien comme ça parce que c’est la guerre !

La mise en place est en cours
 

5. Règles et Mécanismes
Une vingtaine de pages ça peut rebuter plus d’un débutant, mais pour un jeu de guerre complet on peut dire que c’est simplifié, voir schématisé et que c’est donc une bonne entrée en matière pour ceux qui ne connaissent pas le genre. On a donc des règles pour les mouvements, les combats, les lignes d’approvisionnement, le redéploiement, les renforts… Que du classique et comme pour beaucoup de jeux de guerre, il y a pas mal d’exceptions, d’annotations et d’alinéas en fonction du type de troupes, d’alliance, de l’emplacement géographique (Europe ou Moyen Orient) de la période de l’année et je ne sais trop quoi encore et sans compter les clarifications de règles et cas particuliers pas prévu à la base. Tout cela fait pas mal de trucs à retenir et forcement il y aura des oublis dans les premières parties et il y aura aussi forcément de constantes consultations des règles au début. Tout cela est nécessaire pour garder la cohérence et pour atteindre le but du jeu : Simuler de manière suffisante mais pas trop lourde les conflits de la première guerre mondiale. Et on peut dire que ça marche très bien !
Deux points d’intérêts majeurs :
  • On aurait pu s’attendre à un carte en hexagones classique, mais les concepteurs ont finalement préféré une carte point à point : Les espaces sont reliés entre eux par un certain nombre de lignes que les armées peuvent utiliser pour se balader et la difficulté du terrain se résume alors simplement à ce nombre : Ainsi dans les Alpes, il n’y a que 2 ou 3 lignes d’accès à un espace alors qu’en plaines ont peut aller jusqu'à 6 ce qui rend les manœuvres et les attaques beaucoup plus faciles. Cela simplifie vraiment les mouvements et le seul souci c’est que le réseau étant plus dense à l’Ouest qu’à l’Est, les manœuvres sont plus aisées en Russie qu’en France. Mais franchement c’est un détail par rapport à la simplification et la clarté qu’apporte cette carte point-to-point, on peut passer plus de temps à réfléchir sur sa stratégie plutôt que de calculer le nombre de points de mouvement nécessaire pour aller de A à B. Mais ça fait moins puriste c'est sur...
  • L’excellente réputation de Paths Of Glory  repose de son système de cartes à jouer : Après différents développements et évolutions dans précédents jeux, ce système atteint vraiment sa maturité ici : Les cartes ne font pas parties du jeu, elles sont le jeu et elles le dirigent. Du fait qu’une seule et unique carte peut s’utiliser d’autant de manières différentes qu’il y a d’actions et d’aspects dans ce jeu, elles réalisent l’objectif d’offrir un maximum de possibilités et de diversité qui étend le pouvoir ludique. Et s’il y a quelque chose à retenir de ce jeu là, c’est bien ce point là !

6. Le jeu lui-même
C’est un jeu étonnamment bien équilibré et si la Triplice commence avec un clair avantage en force et organisation, la Triple Alliance monte mieux en puissance au fur et à mesure que la guerre s’accentue et devient totale, c’est difficile de déterminer qui va gagner et on n’est pas l’abri de retournement de situation. On s’aperçoit rapidement que la planification à court terme mène invariablement à l’échec et que seule une vision à moyen terme qui exploite les faiblesses de l’adversaire peut permettre de le déséquilibrer et de prendre l’avantage. Encerclement et attaque en tenaille sont les clés du succès et lorsqu’un de vos plans arrive à cela après plusieurs tours de mise en place, alors on se sent comme un général qui a bien fait son travail !
Même s’il est possible qu’au début on se sente un peu restreint dans ses actions et ses choix, ça reste un jeu évolutif dont le déroulement des tours ne manquera pas de faire monter la moutarde (sans jeu de mot) jusqu'à ce que l’on puisse déchaîner toutes les forces du monde et exprimer son plein potentiel offensif et là, désolé pour ces centaines de milliers de jeunes qu’on envoie mourir au front mais on a pas attendu pour rien !
Un début standard sur le front Ouest
Les choix stratégiques sont multiples et les développements du jeu sont innombrables, cela étant dû à l’ampleur géographique du conflit mais aussi et surtout à la gestion des cartes de jeu qui peuvent être utilisées soit comme des évènements majeurs du conflit, soit comme des cartes stratégiques (principalement pour bouger et attaquer mais pas que). Les évènements concernent d’ailleurs des personnalités, des faits historiques ou des développements technologiques (de guerre bien sûr), mais le fait que leur activation dépende des joueurs fait que la réalité historique est rarement voir jamais respectée. Les événements se produisent dans le désordre voir pas du tout ce qui peut mener à des réalités alternatives sans que ça soit trop déconné : Ainsi il est possible que la révolution russe n’est jamais lieu ou que les américains ne rentrent jamais en guerre et que l’Europe s’épuise au combat jusqu’à l’hiver 1919. Mais il n’est pas possible pour les Allemands d’attaquer les U.S.A ou pour les Français de faire finalement alliance avec les autrichiens... Au final cette dévaluation limité de la véracité historique au profit de la jouabilité est une excellente chose (n'en déplaise aux historiens) qui met du piment dans vos parties à chaque fois différentes et offre de nouvelles options à chaque fois. C’est un jeu vraiment riche dans ce sens là.



Un petit mot quand même sur le fait que ce soit un jeu anglo-saxon : On a pas exactement la même approche de l’histoire et le jeu ne fait pas la part belle à l’armée française, tant d’un point de vue de la puissance de ses armées, les plus pourries de l’ouest, que par ses cartes événements peu flatteuses (avec l’apothéose de la carte de « mutinerie » de 1917) qui laisse songeur sur la capacité de tant de bras cassés à avoir su tenir un front pendant 4 ans contre des envahisseurs nourris à la testostérone eux…D’ailleurs finalement, GMT s’est décidé à sortir des cartes supplémentaires qui tendent à redorer un peu le blason de nos poilus ; c’est dans une extension bien sûr... Mais cet aspect des choses fait finalement parti du jeu et les allemands ont quand même beaucoup de mal à percer en France, et les retenir n’est pas si difficile que cela, notamment grâce au système de tranchée qui permet de contenir et tenir. L'ambiance des tranchées et du conflit enlisé à l'ouest est bien présente. 
A l'Est le front est bien plus large et les opportunités stratégiques de grande ampleur sont plus nombreuses. Il est important pour la Triple Alliance de maintenir les grandes manœuvres Russe tant que ceux-ci ne capitulent pas pour maintenir la pression et éviter la concentration des forces à l'Ouest. Jouer sur la balance entre les deux fronts est cruciale tant que les américains ne sont pas de la partie.  
Et pour finir, le moyen orient est un peu à part (à part sur la carte et à part pour les règles aussi), et s'il n'est pas très présent au début du conflit, il devient rapidement important pour la triple alliance de s'occuper du sort des colonies et de la Turquie pour assurer la victoire, même si l'activation des armées est très couteuses dans la région. On a ainsi deux cartes à deux vitesses différentes à gérer. Un bonne gestion reste la clé, car pour les deux camps on se retrouve avec une série d'objectifs secondaires dont la réussite influe de manière non négligeable sur l'issue du conflit.

7. Conclusion
« Paths Of Glory » est définitivement un des meilleurs jeux de guerre traitant de la première guerre mondiale. C’est plus qu’un Wargame car grâce à son système unique d’utilisation de cartes à jouer, il rajoute une dimension riche et attrayante à une couche stratégique, certes simplifiée, mais déjà robuste et équilibré en elle même. Un jeu ou vous ferez des erreurs et il vous faudra du temps pour maitriser les rouages et mécanismes mais qui vaux vraiment la peine si vous aimez le genre. A éviter seulement si l’exactitude chronologique et historique vous est primordiale ou si vous n’aimez pas gérer une centaine de petits compteurs.

En 2001, GMT a aussi publié un kit d’extension sous forme d’un livre appelé simplement « Path Of Glory Player’s Guide » qui est considéré par les passionnés comme obligatoire : C’est 20 nouvelles cartes, de nouveaux compteurs et des scénarios supplémentaires mais surtout une aide de jeu stratégique et une analyse profonde pour vos guider dans vos choix à tous moments de la partie. 

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